mardi 23 mars 2010

Bernard l'ermite

Lors d'une balade au bord de l'océan, en fin de soirée, j'ai pu observer quelque chose d'assez extraordinaire et, ma foi, plutôt amusant : des milliers de Bernard l'ermite roulant boulant dans les vagues, s'échangeant pendant les quelques secondes de répit, des coquilles plus ou moins saillantes.

Magnifique photo de Bernard l'ermite.

La scène était très impressionnante et m'a donné l'envie d'en faire un petit sujet. En effet, la vie de Bernard l'ermite est pour le moins mouvementée. Dotés d'un abdomen tout mou et hautement fragile, la plupart de ces crustacés décapodes doit se munir d'une coquille vide provenant d'un autre organisme afin de se protéger du monde extérieur. Le problème, c'est qu'au fur et à mesure de la croissance, il leur faut trouver de nouvelles coquilles qui épousent au mieux leurs formes (oui j'abuse avec l'image vestimentaire je sais).

Ha ben c'est tout de suite moins mignon quand ça n'a pas de coquille...

Et ce n'est pas une mince affaire ! Les ressources en coquilles vides sont rares et hautement convoitées. Ainsi, plusieurs stratégies sont utilisées : une attitude de recherche au hasard, des réunions aux zones riches en coquilles et l'échange entre individus. Les deux dernières méthodes, souvent réunies en une seule sont très efficaces. En effet, les Bernard l'ermite sont attirés vers les zones de prédation de coquillages (consommés par divers prédateurs qui n'abiment pas la coquille), et viennent donc attendre l'arrivée d'une nouvelle coquille bien fraîche.
Premier arrivé, premier servi ! L'individu essaie donc la coquille et si celle ci ne lui plait pas, il entame alors une chaîne d'échange avec ses congénères présents sur place. Ainsi, on peut observer un vrai marché de la coquille lors de ces grands rassemblements.

Et il faut savoir que ces charmants animaux sont fines bouches. Considérant l'importance de la coquille dans les différentes histoires de vie de l'individu, que ce soit en terme de protection envers les prédateurs, en croissance, reproduction etc, un véritable choix est fait par l'individu pour l'espèce, taille, forme, et solidité de la coquille.

Ceux ayant des Bernard l'ermite domestiques, leur offrent parfois des coquilles peintes. Qu'en pensent les intéressés?

Et d'autres espèces ont développés des stratégies encore plus intéressantes pour optimiser leurs coquilles. C'est le cas du Grand Bernard l'ermite : Dardanus pedunculatus, qui vit en symbiose avec une anémone Calliactis parasitica. Celle ci, habituellement bien fixée sur son substrat se laisse prendre dans les pinces du Bernard qui la pose sur sa coquille à laquelle l'anémone se cramponne fermement. A chaque changement de coquille, le Bernard récupère sa petite anémone et la remet sur sa nouvelle coquille. L'avantage pour le crustacé est évident : recouvert d'une anémone aux tentacules urticants, peu de prédateurs vont s'en approcher. De son côté, l'anémone elle, récupérera les déchets faits par le Bernard quand celui ci se nourrit de proies.
Génial non?

Un grand Bernard l'ermite et deux anémones sur la coquille. Trouvée ici

Un autre Bernard l'ermite fait également une symbiose, mais pas avec une anémone, mais avec une éponge de mer. Dans cette symbiose, l'histoire est légèrement différente. Le Bernard prend une coquille, puis l'éponge (Ficulina ficus par exemple) se pose sur cette dernière. Mais cette éponge a la caractéristique particulière de sécréter une substance dissolvant le coquillage. Ainsi l'éponge se retrouve en contact direct avec le Bernard. L'avantage de porter une éponge plutôt qu'un coquillage, c'est que le crustacé n'a plus besoin de passer du temps à chercher de nouvelles coquilles ! L'éponge se modèle en fonction des formes de son hôte ! En échange, l'éponge, tout comme l'anémone, récupère les divers déchets produits par le Bernard l'ermite.


Autres espèces que celles dont j'ai parlé, mais même histoire. "Photographié à Thau, ce Bernard l'ermite très caractéristique des milieux marginaux est entouré d'une éponge Suberites domunculus, « domunculus » signifiant « petite maison »." Site source

Donc voilà quelques histoires amusantes sur nos cousins lointains les Bernard l'ermite !

Et ça c'est parce que ça me fait beaucoup rire et que je trouve que le monsieur qui fait ces dessins est très drôle voilà.
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Sources :

Shell recruitment in the Mediterranean hermit crab Clibanarius erythropus Journal of Experimental Marine Biology and Ecology Volume 381, Issue 1, 30 November 2009, Pages 42-46 doi:10.1016/j.jembe.2009.09.001

Effects of shell fit on the biology of the hermit crab Pagurus longicarpus (Say)
Journal of Experimental Marine Biology and Ecology Volume 243, Issue 2, January 2000, Pages 169-184 doi:10.1016/S0022-0981(99)00119-7
Shell acquisition by hermit crabs: which tactic is more efficient? Behavioral Ecology and Sociobiology 60 (4): 492–500. doi:10.1007/s00265-006-0191-3.

http://www.uemis.org/fr/magazine/nature_et_science/symbiose_et_commensalisme
http://en.wikipedia.org/wiki/Hermit_crab
http://www.techno-science.net/?onglet=glossaire&definition=4451

6 commentaires:

  1. Euh mais euh, elles viennent d'où alors les coquilles ?

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  2. Les coquilles sont de simples coquilles de mollusque ! Ils les ramassent pour s'en faire leur propre maison.
    Généralement les coquilles sont plutot difficiles à trouver et préfèrent les coquilles venant de mollusques fraichement mangés à celles qui trainent depuis un moment sur le fond car de meilleure qualité et moins érodé.

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  3. Ça doit être assez spectaculaire, je n’ai jamais eu la chance de voir un truc comme ça !

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  4. Ben tu sais quoi? La semaine dernière j'étais à la station biologique de Roscoff, et j'ai ramassé à peu près tous les Bernard l'hermite que j'ai pu trouver pour les mettre dans notre aquarium et j'ai fais moultes photos ET films.

    J'ai fais des expériences de changement de coquille et tout, c'est super sympa. Dès que je récupère tout ça, je poste les vidéos sur mon blog, si tu n'as jamais vu un Bernard changer de coquille, ben là tu vas être servi ! En plus y a des commentaires fait par moi même, attention !

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  5. Si tu ne l'as pas déjà lu, je me disais que cet article pouvait t'intéresser, ils en parlaient dans le "pour la science" de ce mois-ci:

    Rotjan R. D., Jeffrey R. Chabot et Sara M. L. 2010. Social context of shell acquisition in Coenobita clypeatus hermit crabs. Behavioral Ecology, 21(3), 639-646

    http://beheco.oxfordjournals.org/cgi/reprint/21/3/639

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