mercredi 22 décembre 2010

Célèbre malgré elle

Chers lectrices et lecteurs, je vous présente un billet qui a été écrit par un ami à moi, qui souhaite vous faire partager sa science ! Bonne lecture !


29 Novembre 2010. La NASA annonce la tenue d’une conférence pour le moins accrocheuse. Son objet ? Discuter d’une découverte en astrobiologie dont l’impact se répercutera sur la recherche de preuves d’une vie extra-terrestre.


Enfin ! Nous ne sommes plus seuls ! Spéculons les enfants ! Petits hommes verts, gris, poilus, glabres, anthropomorphes, anthropophages, doués de paroles, inferieurs par la taille, supérieurs par l’esprit, pacifiques, belliqueux, je pourrais donner ici plus de 42 bonnes raisons pour lesquelles cette annonce a éveillé en moi quelque émoi scientifico fictionnel dépassant bien sûr toute raison scientifique. Raison scientifique qui aurait nécessairement du attirer mon œil vers les personnalités présentes à cette conférence, et notamment celle qui se révèlera être l’étoile de cet évènement : Felisa Wolfe-Simon membre du centre de recherche en astrobiologie de la NASA, chercheuse à l’USGS (U.S. Geological Survey).


Géologie ? Au revoir Alf, Mr Spock, Widget et Stitch, c’est bel et bien sur Terre que se situe la « découverte », dans les profondeurs du lac Mono en Californie pour être exact. Point de communicateur, de trace de vie aliène ou d’astronef englouti ici, c’est une bactérie qui fait ici parler d’elle. Sa spécificité ? La possibilité de substituer de l’arsenic au phosphore notamment lors de la synthèse d’ADN. Si cette substitution n’est pas obligatoire (elle n’apparait qu’en milieu riche en Arsenic et pauvre en Phosphore) elle pose néanmoins la question sur la « nécessité » supposée du Phosphore à la vie.





Lac Mono (Etats-Unis)

Au-delà du débat scientifique que l’article, publié dans la revue Science, provoque, c’est la communication de la NASA autour de cette découverte qui intrigue. Car dans cet article, nulle mention d’exobiologie. Serait-elle passée à la trappe des corrections ? Toujours est-il que Felisa Wolfe-Simon soutient que cette découverte « ouvre la porte vers l’existence possible d’une vie ailleurs dans l’univers ». Mais s’il est vrai que cette découverte élargit les possibilités d’apparition de la vie on reste assez éloignés du coup de pied dans la fourmilière. Car hormis la forte concentration en arsenic des sédiments du lac Mono, on reste dans un milieu assez « classique ».


Alors pourquoi un tel effet d’annonce ?


On pourrait penser ici que la NASA tente de redorer un blason qui se ternit d’années en années. Fin des vols spatiaux habités en 2011, annulation du programme visant au retour de l’homme sur la Lune, installations vieillissantes, l’agence américaine voit peut être dans l’astrobiologie une occasion de justifier son maintien et ses financements. Et rien de tel qu’un bon buzz pour faire parler de soi à moindre coût.


Mais cette bataille pour les financements existe aussi du côté des chercheurs et force parfois un rapprochement forcé entre deux thématiques de recherche initialement distantes. Serait-il raisonnable de penser ici que Felisa Wolfe-Simon ait agité sous le nez de l’agence le chiffon rouge de l’astrobiologie pour obtenir les moyens de mener des recherches nécessitant des moyens matériels conséquents ? Difficile à dire. Notons néanmoins que la jeune chercheuse publiait en 2009 un premier article suggérant la possibilité pour une bactérie de substituer l’arsenate au phosphate dans la synthèse d’ADN.







La fameuse bactérie souche GFAJ-1 (Halomonadaceae)

mardi 7 décembre 2010

Pourquoi pas?

Chers lectrices et lecteurs,

Comme vous avez pu le remarquer, mes absences prolongées de ce blog se font de plus en plus régulières. Mon excuse bancale est que je suis trop occupée par mon master 2. Et oui, tous ceux qui pensent que les étudiants à la fac n'en fichent pas une, venez donc voir mon emploi du temps !!

Pourtant, ce n'est pas l'envie de blogger qui me manque, la preuve, je fais un sujet pour dire que j'peux pas trop blogger ! J'ai des milliers de sujets en tête, tous les jours je vois des intervenants, des profs, des patrons d'entreprises, qui ont tous des choses passionnantes à raconter et j'adorerais vous en parler. Le problème, c'est que là au lieu de blablater, je devrais être en train de lire mes docs pour mon rapport de la semaine prochaine.

DONC, ma réflexion est la suivante : si quelqu'un est tenté de rejoindre l'écriture de ce blog, afin de m'aider à le garder plus actif, je serais ravie de lire vos "candidatures" et d'éventuellement rajouter des petites mains à la rédaction de mon blog.

L'appel est lancé, si ça vous dit, écrivez moi à l'adresse en bas à droite !

dimanche 14 novembre 2010

Causerie sur le Lemming !

Bonjour à tous !

On me propose d'en faire l'annonce, ils sont venus jouer le spectacle à l'UPMC le premier avril pour "Sciences à coeur", j'ai été faire un tour sur leur site (http://le.lemming.over-blog.com), et ça m'a l'air tout à fait intéressant. La "Causerie sur le Lemming" se jouera du 16 au 23 novembre à Paris, 7, rue de Venise, au Centre Wallonie - Bruxelles (www.cwb.fr), à 21 heures.

J'irai très certainement y faire un tour !!

A bientôt !

vendredi 22 octobre 2010

Aidez nous !!!!! SONDAGE !

Bonjour à tous,

Vous avez 5 petites minutes à perdre? Parfait ! Voyez vous, en ce moment je réalise avec 2 camarades de classe un petit exposé sur l'utilisation de micro-organismes en agriculture.

En effet, certains microorganismes aident naturellement à la croissance des plantes et à la protection contre les pathogènes. Bien évidemment, la recherche s'intéresse intensément à ces petites "bêbêtes", et les entreprises aussi !


Comme vous pouvez l'imaginer, il serait hypothétiquement possible d'utiliser ces microorganismes pour améliorer les rendements agricoles (en les épendant sur les sols) et protéger les cultures contre les parasites et autres pathogènes. Cependant la commercialisation de ces produits est controversée ainsi que son efficacité (en comparaison avec des produits chimiques).



Ma question est simple : et vous qu'en pensez vous?? Si vous êtes agriculteur, agronome, étudiant dans le domaine, chercheur, ou tout simplement au courant de ces pratiques, aidez nous à faire un super exposé en répondant à ce petit sondage DOODLE ! Et n'oubliez pas de le faire tourner !


Merci à tous de la part de Ambre, Adélaïde et moi !

PS : Si vous répondez, vous aurez le droit à un super article de ouf méga groove en cadeau !


mardi 5 octobre 2010

Le Buzz de l'été !

Hello tout le monde, c'est la rentrée, et donc le retour de mon blog. Et pour commencer, je vais vous parler de mon été...Et en images s'il vous plait !

Comme à mon habitude, la saison estivale fut propice à un stage. Mais cette année j'ai changé de cible et suis passée des lézards vivipares aux insectes pollinisateurs et à leurs plantes. Et pas n'importe où mes amis : dans le 93 au beau milieu de friches urbaines.
Car vous ne vous en doutez peut-être pas, mais au beau milieu du béton, se trouvent quelques fois, bien cachés, des havres de paix pour la faune et la flore...Terrain abandonné, futur lieu de construction, jardin de théâtre désaffecté, les friches urbaines sont bien souvent insolites et complètement inattendues dans le paysage urbain.

Voici un joli coléoptère longicorne sur ce que je parie être un Cirsium arvense

La biodiversité étant devenue un sujet central, ces friches urbaines ont attiré le regard de nos écologues et systématiciens. Comment la biodiversité est-elle construite ? Quels sont les liens entre les espèces? Quel est le niveau de richesse de ces écosystèmes cachés?

Nous avons ici la rencontre d'un Syrphe (diptère) et d'un coléoptère

A l'heure où nous découvrons les services écosystémiques, services rendus gratuitement par la nature, comme la pollinisation (35% de notre alimentation dépend de plantes pollinisées par des insectes), l'épuration des eaux, la dépollution de l'air, etc. La préservation des écosystèmes devient une priorité, et notamment en milieux urbain.

Ici nous avons un coléoptère Rhagonycha fulva sur ... torilis?

C'est pourquoi différentes équipes de chercheurs s'intéressent à identifier les espèces vivant dans ces friches et à comprendre leurs relations entre elles et avec leurs environnements. Comment s'y prend-on? Eh bien, dans mon équipe, s'intéressant aux insectes pollinisateurs/plantes (laboratoire Bioemco), nous capturions les insectes, collectionions les fleurs, et on identifiait tout ce petit monde grâce à des clés d'identification. Une autre méthode, par une équipe du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris, consistait à prendre des photos, selon un protocole bien particulier, et ensuite de les trier et identifier. Et toutes les superbes photos que je vous présente dans ce sujet sont issues de ce projet et prises par Nicolas Deguines, chercheur au muséum au laboratoire de Conservation des espèces.

Ceci n'est pas un bourdon, c'est un gros Syrphe (un diptère (mouche quoi)) !

L'énorme avantage de la seconde méthode est que tout le monde peut y participer. En effet, l'opération appelée Spipoll (http://www.spipoll.org/) est accessible à tous et dans toute la France métropolitaine. Passionnés de la nature et/ou photographes, il vous suffit de suivre le Tutorial et vous apporterez une aide précieuse aux scientifiques qui essaient de comprendre les relations entre les insectes et les plantes.

Un autre superbe Syrphe sur Matricaria perforata

Ultimement, ces informations de base, réclamant patience et minutie, permettront de mettre en place de vraies méthodes pour protéger notre environnement et identifier et profiter de tous les services que celui-ci nous apporte.

A savoir, vous pouvez déjà trouver du "miel de béton" dans les boutiques du 93 !!

Et pour clore, je vous invite à regarder cette petite sélection de photos, que je trouve vraiment très jolies et qui me rappellent de bons souvenirs de terrain !


Encore un petit Syrphe (j'en ai mis beaucoup, mais c'est parce qu'il y en a beaucoup en vrai (quelle logique !) et parce que c'est très joli)

Un coléoptère du doux nom de Byturide à petits yeux

Voilà ENFIN un hymnénoptère, et plus précisément une Apidae (j'étais chargée d'identifier tous les hymnénoptères capturés). Mais ce n'est pas une Apis mellifera (abeille domestique) car vous voyez que la cellule radiale de l'aile ne va pas jusqu'à l'apex...Oui j'ai fait ça pendant 1 mois.

Ca c'est un Sphegien noir, et c'est absolument magnifique en vrai. Une vraie taille de guêpe ! Et je sais que certains d'entre vous se disent "mais jamais je ne m'approche d'une bestiole comme ça!" mais sachez que sur un mois à aller embêter ces petites bêtes, je ne me suis jamais fait piquer. Enfin si...Mais par les orties, ronces, et autres plantes à piques et il y en a BEAUCOUP.

Ca c'est très joli aussi, c'est une mégachile :)

Allez, pour montrer que les étudiants, bah ça fait pas que chaumer en vacances, me voilà en plein travail :

Homo sapiens sapiens

dimanche 4 juillet 2010

Univers en expansion et gateaux aux raisins

Les principales découvertes dans le monde scientifique sont souvent issues d'expériences toutes simples, ou d'aléas d'expérimentations. La découverte de l'expansion de l'Univers en est un parfait exemple.
Bien que les Hommes aient toujours eu la tête dans les étoiles, c'est dans les années 20 que les scientifiques se sont intéressés aux galaxies lointaines. Voulant savoir si les autres galaxies étaient similaires à la nôtre en composition chimique, ils observèrent ce qu'on appelle leurs spectres d'absorption*.

Petit résumé de ce qu'est un spectre. On a maintes longueurs d'ondes possibles dans la lumière dont finalement très peu sont visibles à l'œil nu. Parmi les plus petites longueurs d'onde on compte par exemple les rayons X qui servent en radiologie, les ultraviolets également. Et dans les très grandes longueurs d'onde on trouve l'infrarouge (qui porte bien son nom) et les ondes radios.

Les scientifiques découvrirent deux choses différentes. La première, c'est que la composition des autres galaxies était globalement similaire à la nôtre. Bien, mais ce qui fut vraiment très intéressant et inattendu, c'est que les raies d'absorption observées étaient toutes décalées vers le rouge !

Voici donc ce qu'est un spectre d'absorption. On voit clairement des raies noires dans les spectres. Elles correspondent aux éléments chimiques qui ont absorbé l'onde, c'est pourquoi on ne peut la voir sur le spectre. On voit bien ici, que les raies d'absorption sont toutes décalées vers le rouge, même s'il s'agit des mêmes produits chimiques. Etrange !

Pourquoi ce décalage et qu'est ce que ça peut bien vouloir dire? Pour comprendre ce phénomène, il faut déjà comprendre l'effet Doppler. C'est assez simple, vous connaissez certainement déjà l'exemple bien connu de la sirène d'ambulance : quand celle ci se rapproche, le son devient de plus en plus aigu. Pourquoi? Parce que les longueurs d'onde se réduisent et forment donc un son plus aigu. A l'inverse, quand l'ambulance s'éloigne, le son devient plus grave. Dans ce cas, les longueurs d'onde s'étendent.
Pour les ondes électromagnétiques (comme la lumière), c'est la même chose. Lorsqu'un élément s'éloigne, il tend vers le rouge (grande longueur d'onde) et quand il se rapproche, il tend vers le bleu (petite longueur d'onde).


Ce schéma pas très beau et un peu compliqué explique cependant très bien le phénomène. Les deux schémas d'onde en haut décrivent très bien l'effet Doppler et la variation des longueurs d'onde en fonction du mouvement de l'objet observé. En bas, on a ici des spectres, qui décrivent ce qu'ont pu voir les scientifiques !


Clin d'œil aux fans de The Big Bang Theory, où Sheldon se déguise en Effet Doppler pour Halloween. Un grand moment.

Conséquence de cela, si toutes les galaxies sont légèrement rouges, c'est parce qu'elle s'éloignent à toute vitesse de nous !!! Mieux, le scientifique Hubble, en 1929 découvrit que la vitesse d'éloignement était proportionnelle à la distance de la galaxie. En gros, plus elles sont loin de nous, plus elles s'éloignent vite !
Cette découverte fut l'une des plus importantes du monde de la physique, et elle fut la base des nombreuses recherches faites aujourd'hui sur ce phénomène.

Cependant, l'explication par l'effet Doppler n'est pas tout à fait juste. En effet, on se rendit compte plus tard que pour respecter les lois de la relativité générale, ce ne sont pas les galaxies qui doivent se déplacer DANS l'espace, mais c'est l'espace lui même qui doit s'agrandir. Par conséquent, le décalage dans le rouge que l'on peut observer n'est pas dû au déplacement de la source d'émission, mais au fait que l'espace lui même s'étend, ce qui étend aussi la longueur d'onde de la lumière !!! Comme la longueur d'onde est augmentée, on voit un décalage vers le rouge.

Schéma représentant l'expansion de l'univers après ce qu'on appelle ici une singularité (ici ça serait le Big Bang). On remarque que les galaxies représentées ont toujours la même taille, c'est l'espace qui s'agrandit et pas les galaxies qui bougent.

Pour donner une idée de ce qu'est l'expansion de l'univers, il faut imaginer un gâteau au raisin. Au départ les petits raisins sont proches les uns des autres dans la pâte. Puis à mesure que celle ci gonfle, la distance entre les raisins augmente, sans que ceux ci ne changent de taille, et la vitesse d'éloignement est d'autant plus grande que les grains sont loin ! Bah l'univers, c'est un gâteau au raisin géant !

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*Qu'est ce qu'un spectre d'absorption me demanderez vous. Hé bien, lorsque la lumière traverse un élément, certains composants chimiques de cet élément peuvent absorber certaines longueurs d'onde de lumière. La résultante de cela, c'est que lorsqu'on observe le spectre lumineux de cette lumière, on verra une raie noire, correspondant à l'élément chimique en question.
Et lorsqu'on observe le spectre d'une galaxie, c'est la même chose. On étudie le spectre lumineux qui nous parvient, et en fonction des raies noires que l'on voit, on sait quels sont les composants chimiques de cette galaxie.
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Sources :

Stephen Hawkins : Une brève histoire du temps. Pages 60-62. Edition Flammarion.

http://en.wikipedia.org/wiki/Redshift
http://fr.wikipedia.org/wiki/Expansion_de_l%27Univers

lundi 28 juin 2010

Changement climatique : Questions/Réponses

Le changement climatique fait aujourd'hui grand débat. Même si les mentalités changent, de nombreuses questions restent en suspend.

Je vous fais donc passer la vidéo présente sur universcience.tv , où Hervé Le Treut, climatologue, directeur de l'IPSL (Institut Pierre Simon Laplace), et Luc Abbadie, écologue, directeur du laboratoire Biogéochimie et écologie des milieux continentaux, Ecole normale supérieure (Paris) et enseignant à Paris 6, discutent sur le débat climatique.

Les deux hommes parlent des difficultés auxquelles fait face la science pour prévoir le changement et l'identifier, donnent quelques pistes avec des résultats d'études, et mettent en avant des idées de réponses concernant ce changement climatique.
Voici donc un débat de spécialistes, adressé à tous !


Le changement climatique contesté à tort ?Le changement climatique contesté à tort ?

Avec Hervé Le Treut, climatologue, directeur de l'IPSL (Institut Pierre Simon Laplace), et Luc Abbadie, écologue, directeur du laboratoire Biogéochimie et écologie des milieux continentaux, Ecole normale supérieure (Paris).





Pour aller plus loin, allez faire un tour sur le blog Prisme de tête !!

dimanche 20 juin 2010

Ocean 2010

L'écologie est devenue très à la mode ces dernières années, pour le meilleur et pour le pire. Année de la biodiversité, 2010 a montré l'interêt grandissant des individus pour la cause écologique, mais aussi les (trop) nombreuses entraves à la protection des écosystèmes sur Terre.
La principale difficulté avec l'écologie, c'est de comprendre les échelles de temps utilisées. En raison de la formation de notre cerveau et de notre courte espérance de vie, les systèmes de pensée humains sont focalisés sur de courtes échéances. Au contraire, en écologie, les changements sont observés parfois au court terme mais aussi souvent au long terme. Mais comment réaliser que des changements s'oppèrent quand on ne les voit pas? Comment convaincre la population que les océans se dégradent, que les papillons désertent, que la forêt amazonienne disparait à une vitesse effrayante, quand tout semble si stable au regard de chacun.
C'est le grand défi du combat écologique, changer d'optique, changer d'échelle, et comprendre comment les systèmes évoluent pour les comprendre. Dans ce but, je vais résumer et présenter ici une étude publiée dans Science en 2006, montrant comment l'état des Océans s'est dégradé ces dernières années, et comment cela influe sur nous en retour.

L'océan, c'est aujourd'hui l'une des sources de biens la plus importante pour l'humanité. En premier, celui-ci apporte une source essentielle de nourriture à des millions de personnes dans le monde. La bonne santé de l'océan garantit emplois, qualité de l'eau, stabilité de l'environnement, etc aux habitants de la côte. Et bien sûr, la valeur économique des océans est juste énorme.
Pourtant, depuis le début de l'ère industrielle, nous n'avons cessé de détruire les écosystèmes marins. Surpêche, pollution et destruction d'habitats ont participé à une dégradation globale des écosystèmes marins et donc à une diminution des services naturels que nous procure la nature.
Par exemple, prenons les écosystèmes côtiers. Les scientifiques ont suivi la biodiversité et les services tirés de la nature sur une période de 1000 ans. Pour ce faire, ils ont suivi 12 écosystèmes différents avec des populations de 30 à 80 espèces importantes économiquement et écologiquement. Les résultats sont clairs. Un déclin brutal et continu apparait à partir de l'industrialisation de notre civilisation. A tel point que 91% des espèces sont en "chute" (déclin supérieur à 50% par rapport à l'abondance basale), 38 sont "effondrées" (déclin à plus de 90% de l'abondance basale) et 7% sont éradiquées.


Ecosysèmes marins côtiers : Pourcentage de taxons (groupes d'êtres vivants) effondrés (ronds noirs) ou exterminés (triangles blancs) en fonction du temps (A). En (B) on trouve le pourcentage de stocks de pêche effondrés en fonction de la richesse en espèces du milieu. On voit que plus la zone est riche en espèces, moins il y a d'effondrement des stocks : Une zone riche en espèces subira moins fortement une pêche intensive car le système est plus stable.

Bien sur, un tel déclin a des conséquences importantes sur le fonctionnement des écosystèmes et sur les services rendus par la Nature. Dans un premier temps, on peut noter la réduction de 33% des populations de pêche viable, ensuite on a la réduction à 69% des habitats servant de nurseries jeunes de chaque espèce, comme les rochers à huitre, les couvertures d'algues et les zones humides. Et enfin on note la baisse (-63%) de la filtration et détoxification de l'eau par les organismes animaux et végétaux.

Les uns affectant les autres, on a donc une augmentation globale des risques, comme les marées rouges (prolifération d'algues, parfois toxiques), une perte importante de la biomasse en poisson, la diminution de l'oxygène dans l'eau (zone morte), une augmentation des inondations (due en partie à la montée des eaux, mais aussi au fait que la végétation ne protège plus les berges et donc facilite l'action des vagues). Et la liste n'est pas exhaustive ! C'est dire...

Ces différents tableaux présentent les pourcentages de changement sur le millénium des paramètres étudiés. Par exemple la partie "biodiversité" résume les changements en appauvrissement, effondrement , extinctions, et restauration des stocks, par rapport à un taux basal. A coté, on a les changements dans les services donnés par la nature en fonction du taux de base, et à droite les changements dans les risques.

Et on retrouve la même chose globalement dans le grand large. Les scientifiques se sont intéressés à 64 grandes zones (>150 000 km²) sur 53 ans (1950 à 2003), produisant sur cette période 83% des biens de pêche du monde. Globalement, on a une accélération du taux d'effondrement des populations, en 2003, 29% des espèces sont considérées comme effondrées (c.a.d que le taux de capture est en dessous de 10% de la meilleure capture faite). Ca fait très mal !


En A, on a le pourcentage de taxons effondrés, sur 53 ans. Les triangles représentent les effondrements stricts, alors que les losanges prennent en compte les restaurations. Les triangles ou losanges bleus représentent des zones pauvres en diversité d'espèces, et les rouges des zones à forte diversité. Comme vu précédemment, les zones naturellement riches sont plus résistantes aux changements que les zones pauvres. En B on a une carte des 64 zones étudiées avec en couleur la richesse spécifique (bleu : faible, rouge : forte).

En bref, que ce soit sur les côtes ou au large, l'action de l'être humain a impacté très fortement et négativement la biodiversité marine et le fonctionnement des écosystèmes. Cependant, les scientifiques ne sont pas alarmistes. En effet, des zones particulièrement dégradées ont subi des plans de sauvetage avec une protection totale de la zone. Le résultat est un regain rapide et efficace de la biodiversité, avec un retour des fonctions des écosystèmes. Mieux, grâce à ces écosystèmes en restauration, le taux de pêche dans les alentours a été amélioré (car les zones protégées servent de pouponnières et permettent à la zone de lentement se repeupler). Par ailleurs, les zones de tourisme subissent des booms économiques en raison du bon état des fonds marins et de la diversité des espèces qui attirent immanquablement les touristes.

Donc la conlusion, c'est qu'il faut prendre en compte la nature, son fonctionnement, sa dynamique, pour l'utiliser à son maximum. L'avenir nous réserve de grandes difficultés stratégiques. En effet, avec une population humaine grandissante et hautement consommatrice, nous nous devrons de gérer nos ressources alimentaires au mieux, et protéger les écosystèmes afin de profiter de leurs fonctions naturelles de détoxification, de provision de biens etc. Ce n'est pas réélement ce qui est en ce moment fait par les gouvernements et les puissances de ce monde, mais tôt ou tard, nous n'aurons plus le choix que de nous moderniser dans notre façon de penser les choses, et de modifier notre système afin de garantir la survie des futures générations et améliorer la vie des contemporains.

Source :
Worm B., Barbier E.B., et al., (2006) Impacts of biodiversity loss on ocean ecosystem services. Science, Vol 314 - 787-790

jeudi 17 juin 2010

BP, Oiseaux mazoutés et éthique


Depuis le 20 Avril dernier, des milliers de barils de pétrole s'échappent chaque jour dans la baie du Mexique (aujourd'hui l'estimation est à 60 000/jour), en faisant la pire catastrophe pétrolière de l'histoire et certainement l'un des pires drames écologiques de notre ère.


Le symbole le plus communément utilisé pour alerter la population sur l'horreur de la marée noire, c'est l'oiseau mazouté. Et pourtant, il y a quelque jour j'ai lu un article dans Rue89 qui m'a pour le moins interpellée : "Oiseaux mazoutés : « Tuez-les, ne les nettoyez pas »". La phrase en question a été prononcée par Silvia Gaus biologiste au Wattenmeer National Park.

Voici un extrait de l'article :

"Alors qu'un hôpital à Fort Jackson en Louisiane a ouvert pour soigner les oiseaux les plus touchés par les nappes de pétrole, la biologiste relativise dans le Spiegel l'efficacité des actions de nettoyage des animaux mazoutés :

« Selon une étude sérieuse, le taux de survie des oiseaux mazoutés est de 1% à moyen terme. »

Démazouter un oiseau est une longue procédure, qui compte plusieurs étapes, dont l'avant-lavage. Ceci consiste à administrer, à l'aide d'une sonde, du charbon actif et de l'argile directement dans l'estomac. Un acte inefficace si l'on en croit la biologiste allemande :

« Leur faire ingérer des solutions à base de charbon, comme le Pepto Bismol, pour contrer la toxicité du pétrole, ne sert à rien.

Les oiseaux risquent de mourir de toute façon à cause de lésions au foie et aux reins. »"


Même si les chiffres annoncés par la biologiste sont plus ou moins discutés par d'autres spécialistes, le but de mon papier ici ne va pas être de discuter ces chiffres, mais plutôt de faire le point sur la situation éthique dans laquelle nous nous trouvons.

Voici comment je vois les choses. Des êtres humains, éminemment irresponsables, ont provoqué une catastrophe sans précédent ayant coûté la vie à onze personnes et à des milliers (et certainement plus) d'êtres vivants. Le calvaire que vivent ces oiseaux n'est qu'un exemple parmi tant d'autres de l'horreur engendrée par une telle catastrophe.
Et parce que le taux de survie des oiseaux traités ne serait que d'1%, certaines personnes décident qu'il serait mieux de les tuer? Mais même si le processus coûte cher, et même si c'est compliqué etc etc, n'est-ce pas le moindre que nous puissions faire?

La responsabilité est la nôtre, et uniquement la nôtre. Et nous avons l'occasion de sauver quelques vies et d'essayer de réparer même un peu les dégâts de la catastrophe. Alors éthiquement, avons nous le droit de nous dédouaner de cet effort?



Je n'ai pas bloggé plus tôt sur le drame de BP car il s'agit typiquement d'un drame qui me sort de mes gonds. L'attitude de l'entreprise, du gouvernement américain et des actionnaires représentent tout ce qui me révolte le plus sur cette Terre. Toutes les décisions prises jusqu'ici ont été à l'encontre de tout bon sens scientifique. L'usage à outrance de dispersant hyper toxique, l'idée de brûler le pétrole en surface, ne pas fournir des moyens suffisants pour protéger les côtes, etc etc. Même si moi même je me destine à faire de la restauration des écosystèmes, voir tout ça me décourage tous les jours un peu plus dans ma tâche.

J'espère sincèrement, en bisounours écologiste que je suis (c'est comme ça qu'un de nos profs de master nous appelle) , que les gens seront plus raisonnables et plus sages à l'avenir. J'espère un jour qu'on aura pas besoin d'une catastrophe pour commencer à légiférer, et j'espère qu'un jour les gouvernements et les individus penseront au long terme avant le court terme.


Voilà, c'était mon petit coup de gueule du jour !

A bientot pour un sujet de sciences pur et dur !

jeudi 27 mai 2010

Pourquoi les femmes veulent toutes Brad Pitt et George Clooney?

1 - Parce qu'ils présentent des caractéristiques plutôt sympatiques pour assurer la descendance.

2- Parce qu'ils sortent avec d'autres femmes.

La raison numéro deux vous surprend ? Attendez un peu de voir la suite. La théorie de la sélection sexuelle, mise en avant par Darwin, stipule que les femelles choisissent leurs mâles en fonction des critères qu'ils arborent. Est-ce qu'il a de beaux poils, est-ce qu'il est dans de bonnes conditions physiques, est ce qu'il rapporte assez à manger ? Tout cela renseignant la femelle sur la qualité génétique du mâle. En bref, un mâle, s'il veut être choisi, a intérêt d'être au meilleur de sa forme.

Un paon mâle, connu par l'extravagance de son plumage, dont la qualité est très importante pour le choix des femelles

On a longtemps pensé que les femelles ne choisissaient les mâles que grâce à ces diverses caractéristiques. Or récemment, une influence de type culturel a été mise en lumière : Le copiage. Plusieurs études ont en effet montré que les femelles, même si elles n'étaient pas spécialement attirées par un mâle, pouvaient revenir sur leur décision si elles voyaient ce dernier batifoler avec d'autres femelles. En gros, l'avis des autres et la popularité du mâle comptent dans le choix du partenaire (ça vous rappelle des trucs?).

Une étude particulièrement intéressante a mis ce copiage en évidence chez...la mouche ! On suspecte rarement des attitudes "culturelles" chez les insectes et pourtant...Frédérique Mery et ses collègues se sont intéressés à la très célèbre Drosophilia melanogaster, plus connue sous le nom de mouche de raisin (bref ces petites mouches qui volètent au dessus de nos fruits dans la cuisine).

Drosophilia melanogaster

Dans une première expérience, les chercheurs ont d'abord montré que les femelles choisissaient naturellement le mâle en fonction de la condition physique dans laquelle il se trouve. Pour cela, ils ont proposé à des femelles, des mâles en plus ou moins bonne condition (en nourrissant un peu moins richement certains mâles) (Je tiens à préciser que dans les 2 premières expériences, aucun contact n'est permis entre les femelles observatrices et les mâles, l'attrait est calculé en fonction du temps passé par les femelles auprès des mâles). Le graphe qui en résulte est sans appel : les mâles pas top ne font pas l'affaire des mouches femelles.

Graphique représentant le pourcentage de temps passé par les femelles auprès des mâles en bonne condition (good condition males) et mauvaise condition (poor condition males)

L'expérience suivante consiste à mettre les mâles en bonne ou mauvaise condition en compagnie d'une femelle, et de montrer le spectacle à d'autres femelles en recherche d'un mâle. Dans un premier temps, les mâles sont laissés sans compagnes montrées aux femelles (ce qui répète l'expérience précédente). Dans un deuxième temps, ces mêmes mâles sont mis en compagnie d'une femelle, et sont de nouveau présentés aux femelles. Le résultat est étonnant : autant les mâles déjà bien n'ont pas spécialement augmenté leur attractivité, autant ceux considérés comme moches sont devenus soudain plus attirants aux yeux des femelles.

Graphique représentant le pourcentage de temps passé par les femelles devant les mâles exposés. Pretest : Les mâles sont seuls. Posttest : les mâles sont mis en compagnie d'une femelle.

Dans ce graphique on voit clairement dans le "pretest" que les femelles préfèrent les mâles en bonne condition, mais dans le "posttest", les mâles en mauvaise condition, alors accompagnés par une femelle augmentent très nettement leur attractivité, au même niveau que les mâles en bonne condition.

Cela signifie que la sélection des femelles basée sur la condition peut être court-circuitée par des messages sociaux comme le succès des mâles avec d'autres femelles.

Accouplement de drosophiles

Une dernière expérience a été réalisée pour soutenir ces résultats. Cette fois, des mâles d'égales conditions ont été choisis : un groupe a été saupoudrés de vert et un groupe de rouge (sans dommage pour l'animal) afin de pouvoir les distinguer. Ensuite, des femelles ont observé différents spectacles : certaines ont vu des mâles verts se reproduire alors que les mâles rouges ne se reproduisaient pas (ils étaient en compagnie de femelles non réceptives), et certaines ont vu des mâles rouges se reproduire et des mâles verts qui ne se reproduisaient pas.

Les femelles des deux groupes ont ensuite été en contact avec les mâles qu'elles avaient vus et les chercheurs ont comptabilisé la reproduction de ces femelles avec tel ou tel mâle. Le résultat est clair : les femelles qui avaient vu des mâles verts se reproduire se sont accouplées d'avantage avec des verts, alors que les femelles qui avaient vu des mâles rouges se reproduire se sont accouplées avec des mâles rouges.

Graphique représentant la proportion d'accouplement avec les mâles verts. Les barres noires représentent la proportion d'accouplement avec les mâles verts quand les femelles les avaient vu se reproduire avec succès. Les barres blanches représentent la même chose mais avec les mâles rouges. Ainsi quand les femelles n'ont pas vu d'accouplements précédemment (no visual cues), les femelles choisissent indistinctement les deux types de mâles, alors que quand elles ont vu des mâles verts se reproduire et des mâles rouges sans succès, elles se reproduisent plus avec les verts.

Ceci indique que même si la qualité physique des mâles est la même, l'information donnée par le succès reproducteur des mâles avec d'autre femelles influe clairement sur le choix effectué.

Cette étude, ainsi que de nombreuses autres sur des oiseaux (chez le diamant mandarin notamment) et chez les rats, montrent que les aspects sociaux et culturels ont une importance claire. Ceci peut avoir des conséquences notables dans l'évolution des traits, la sélection, voire même la spéciation !

Couple de Diamands Mandarins

En bref, vous comprenez maintenant pourquoi les femmes aiment tant les stars de cinéma : parce qu'ils sont admirés par plein d'autres femmes !!

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Frederic Mery, Susana A.M., Varela, Etienne Danchin, Simon Blanchet, Deseada Parejo, Isabelle Coolen, and Richard H. Wagner. 2009. Public Versus Personal Information for Mate Copying in an Invertebrate. Current Biology. 19, 730-734

John P. Swaddle, Mark G. Cathey, Maureen Correll and Brendan P. Hodkinson. 2005. Socially transmitted mate preferences in a monogamous bird: a non-genetic mechanism of sexual selection. Proc. R. Soc. B. 272, 1053–1058

Bennett G. Galef, JR. Terence, C.W. Lim et Geoffrey S. Gilbert. 2008. Evidence of mate choice copying in Norway rats, Rattus norvegicus. Animal Behaviour. 75, 1117-1123

mardi 13 avril 2010

Epic Frog Fail

Salut à tous,

En ce moment, j'ai vraiment pas le temps de faire des billets, stage terrain oblige. Du coup je vous fais partager les petits bidules qui me font marrer comme cette vidéo, que j'ai découverte grâce à une amie (Merci Ambre :).



Quand même...!!!

dimanche 11 avril 2010

Bernard à Hollywood

Bonjour à tous!
Ce billet est un billet particulier, puisqu'il consiste en une vidéo, que j'ai fait à Roscoff lors de mon stage en biologie et écologie marine. Étant une fan invétérée des Bernard l'hermite, je me suis fait le plaisir d'en ramasser tout un tas lors de nos échantillonnages sur le littoral et de les ramener dans notre aquarium. J'en ai pris un certain nombre, les plus petits en fait, et je leur ai proposé tout un tas de coquilles vides pour espérer observer des changements de coquilles (pour plus d'information, il faut lire mon poste précédent qui traite de ce sujet).

Donc je suis fière de vous présenter mon premier micro-reportage, avec des commentaires dignes d'une future Attenborough. Non sérieusement je suis désolée des commentaires que je fais sur la vidéo, je n'avais pas pensé qu'un jour je la publierai sur mon blog. Donc aux puristes : prendre cette vidéo avec humour !




Remerciements spéciaux à Matthieu pour m'avoir prêté son appareil numérique, et m'avoir fait un super zoom sur la fin. Et à Lorelei pour son enthousiasme sur toute la fin de la vidéo ;).

Aucun animal n'a été blessé lors du tournage, et tous les individus ont été relâchés dans leur milieu naturel :).

Ps : je n'avais finalement pas, après vérification, d'animal dans ma chaussure.

mardi 23 mars 2010

Bernard l'ermite

Lors d'une balade au bord de l'océan, en fin de soirée, j'ai pu observer quelque chose d'assez extraordinaire et, ma foi, plutôt amusant : des milliers de Bernard l'ermite roulant boulant dans les vagues, s'échangeant pendant les quelques secondes de répit, des coquilles plus ou moins saillantes.

Magnifique photo de Bernard l'ermite.

La scène était très impressionnante et m'a donné l'envie d'en faire un petit sujet. En effet, la vie de Bernard l'ermite est pour le moins mouvementée. Dotés d'un abdomen tout mou et hautement fragile, la plupart de ces crustacés décapodes doit se munir d'une coquille vide provenant d'un autre organisme afin de se protéger du monde extérieur. Le problème, c'est qu'au fur et à mesure de la croissance, il leur faut trouver de nouvelles coquilles qui épousent au mieux leurs formes (oui j'abuse avec l'image vestimentaire je sais).

Ha ben c'est tout de suite moins mignon quand ça n'a pas de coquille...

Et ce n'est pas une mince affaire ! Les ressources en coquilles vides sont rares et hautement convoitées. Ainsi, plusieurs stratégies sont utilisées : une attitude de recherche au hasard, des réunions aux zones riches en coquilles et l'échange entre individus. Les deux dernières méthodes, souvent réunies en une seule sont très efficaces. En effet, les Bernard l'ermite sont attirés vers les zones de prédation de coquillages (consommés par divers prédateurs qui n'abiment pas la coquille), et viennent donc attendre l'arrivée d'une nouvelle coquille bien fraîche.
Premier arrivé, premier servi ! L'individu essaie donc la coquille et si celle ci ne lui plait pas, il entame alors une chaîne d'échange avec ses congénères présents sur place. Ainsi, on peut observer un vrai marché de la coquille lors de ces grands rassemblements.

Et il faut savoir que ces charmants animaux sont fines bouches. Considérant l'importance de la coquille dans les différentes histoires de vie de l'individu, que ce soit en terme de protection envers les prédateurs, en croissance, reproduction etc, un véritable choix est fait par l'individu pour l'espèce, taille, forme, et solidité de la coquille.

Ceux ayant des Bernard l'ermite domestiques, leur offrent parfois des coquilles peintes. Qu'en pensent les intéressés?

Et d'autres espèces ont développés des stratégies encore plus intéressantes pour optimiser leurs coquilles. C'est le cas du Grand Bernard l'ermite : Dardanus pedunculatus, qui vit en symbiose avec une anémone Calliactis parasitica. Celle ci, habituellement bien fixée sur son substrat se laisse prendre dans les pinces du Bernard qui la pose sur sa coquille à laquelle l'anémone se cramponne fermement. A chaque changement de coquille, le Bernard récupère sa petite anémone et la remet sur sa nouvelle coquille. L'avantage pour le crustacé est évident : recouvert d'une anémone aux tentacules urticants, peu de prédateurs vont s'en approcher. De son côté, l'anémone elle, récupérera les déchets faits par le Bernard quand celui ci se nourrit de proies.
Génial non?

Un grand Bernard l'ermite et deux anémones sur la coquille. Trouvée ici

Un autre Bernard l'ermite fait également une symbiose, mais pas avec une anémone, mais avec une éponge de mer. Dans cette symbiose, l'histoire est légèrement différente. Le Bernard prend une coquille, puis l'éponge (Ficulina ficus par exemple) se pose sur cette dernière. Mais cette éponge a la caractéristique particulière de sécréter une substance dissolvant le coquillage. Ainsi l'éponge se retrouve en contact direct avec le Bernard. L'avantage de porter une éponge plutôt qu'un coquillage, c'est que le crustacé n'a plus besoin de passer du temps à chercher de nouvelles coquilles ! L'éponge se modèle en fonction des formes de son hôte ! En échange, l'éponge, tout comme l'anémone, récupère les divers déchets produits par le Bernard l'ermite.


Autres espèces que celles dont j'ai parlé, mais même histoire. "Photographié à Thau, ce Bernard l'ermite très caractéristique des milieux marginaux est entouré d'une éponge Suberites domunculus, « domunculus » signifiant « petite maison »." Site source

Donc voilà quelques histoires amusantes sur nos cousins lointains les Bernard l'ermite !

Et ça c'est parce que ça me fait beaucoup rire et que je trouve que le monsieur qui fait ces dessins est très drôle voilà.
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Sources :

Shell recruitment in the Mediterranean hermit crab Clibanarius erythropus Journal of Experimental Marine Biology and Ecology Volume 381, Issue 1, 30 November 2009, Pages 42-46 doi:10.1016/j.jembe.2009.09.001

Effects of shell fit on the biology of the hermit crab Pagurus longicarpus (Say)
Journal of Experimental Marine Biology and Ecology Volume 243, Issue 2, January 2000, Pages 169-184 doi:10.1016/S0022-0981(99)00119-7
Shell acquisition by hermit crabs: which tactic is more efficient? Behavioral Ecology and Sociobiology 60 (4): 492–500. doi:10.1007/s00265-006-0191-3.

http://www.uemis.org/fr/magazine/nature_et_science/symbiose_et_commensalisme
http://en.wikipedia.org/wiki/Hermit_crab
http://www.techno-science.net/?onglet=glossaire&definition=4451

samedi 20 février 2010

Infectobesity

1 Milliard, c'est le nombre d'adultes en sur-poids estimé dans le monde. 300 millions d'entre eux seraient obèses. Chez les enfants de moins de 5 ans, le tableau est tout aussi effrayant avec 17.6% en sur-poids. Depuis le début des années 80 jusqu'à maintenant, la prévalence de l'obésité dans le monde, que ce soit dans les pays développés ou ceux en voix de développement, a littéralement explosé. On top of the list, on trouve bien sur nos voisins trans-atlantique Américains avec près de 30.6% de leur population obèse et 65.7% en sur-poids !

Ces chiffres sont bien sur un désastre pour la santé publique et l'obésité a été officiellement nommée problème de santé numéro un aux states en 2001 lors d'un meeting sponsorisé par l'American Society for Nutritional Sciences.


La question qui se pose alors est "Quelle est donc la cause d'une si soudaine et importante épidémie d'obésité?". Sachant que cette pathologie possède de multiples origines, aussi bien génétiques qu'environnementales, la question est difficile. Aucune des communes propositions, comme les changements de régime alimentaire, ou la sédentarité croissante, ne pouvaient expliquer à elles seules la rapidité de la prise de poids mondiale.
Certains chercheurs comme Richard Atkinson et Nikhil V. Dhurandar ont alors proposé une hypothèse pour le moins originale. Et si l'"épidémie" dont nous parlons en serait réellement une? Au sens viral du terme.

L'idée n'est pas neuve, en effet, en 1982 des chercheurs mettent en lumière pour la première fois un virus, le "Canine Distemper Virus" capable d'engendrer l'obésité chez des souris. Suite à cette découverte, 5 autres éléments pathogènes vont être accrochés au tableau des virus provoquant l'obésité chez les animaux infectés.

Deux souris, dont une obèse, sauras-tu trouver laquelle?

L'un d'entre eux, SMAM-1, un adénovirus (virus à ADN) aviaire fut découvert suite à l'augmentation du taux de mortalité de poulets dans une ferme en Inde. Les chercheurs ont alors remarqué que les animaux contaminés possédaient beaucoup plus de graisse que les autres. De plus, les individus pouvaient se contaminer les uns les autres simplement par l'air. Pire, les humains présentant ce virus dans leur organisme présentait les mêmes symptômes.
Cette nouvelle, mettant à sac l'idée selon laquelle les virus aviaires ne pouvaient se transmettre aux humains, donna également une dimension différente aux 51 adénovirus qui peuvent nous contaminer. Parmi ces derniers, Ad-36, responsable majoritairement d'infection au niveau respiratoire, fut le premier à être examiné. Et les résultats furent plus qu'étonnants.

En effet, lors d'une étude sur 502 personnes obèses et non obèses, faite aux Etat-Unis, la prévalence du virus, c'est à dire la présence d'anticorps* contre ce virus dans l'organisme, était de près de 30% chez les obèses, et seulement de 11% chez les non-obèses**. Mais mieux que ça, l'indice de masse corporelle était significativement plus élevé chez les obèses et non obèses contaminés que chez les obèses et non obèses non contaminés (voir le tableau ci dessous).
En résumé, les gens qui ont été en contact avec ad-36, ou le sont toujours, présentent un poids et un taux de graisse plus élevé que les autres.

Tableau tiré de la publication [1] montrant les résultats de BMI en fonction de la présence d'anticorps.

Une étude sur des jumeaux a également été conduite, montrant que lorsque l'un des deux présentait des anticorps et l'autre non, celui ci était significativement plus gros que son frère sain. Tout ceci confirmant l'hypothèse selon laquelle l'adénovirus ad-36 pourrait être responsable d'une prise de poids et peut-être en partie, de l'épidémie mondiale d'obésité et sur-poids.

Encore plus mystérieux, il faut savoir que cet adénovirus fut découvert chez une jeune fille en 1978 et que le début de l'épidémie est datée de 1980. La coïncidence n'en est qu'une, mais laisse penseur.

Mais comment ça marche me direz-vous? Hé bien, d'après les études qui ont été conduites, il semblerait que ce virus favorise la différenciation des pré-adipocytes en adipocytes matures (voir la figure ci dessous). Pour tous ceux que je viens de perdre : la différenciation cellulaire, c'est le passage d'un stade cellulaire à un autre, et les adipocytes, ce sont les cellules responsables de la petite bouée que vous avez au niveau du ventre! Ce sont ces cellules qui stockent les graisses ! Et Ad-36, qui a la capacité de les coloniser, favorise leur maturation en cellules biens fonctionnelles, et augmente leur capacité de stockage et leur nombre. D'autres mécanismes ont été proposés, mais là c'est trop compliqué, et les 3 pékins qui sont arrivés à ce stade de l'article vont finir par me laisser seule avec mes histoires de gras.
Figure, ô combien superbe, que j'ai dessinée sous word puis collée dans paint (ouais, j'ai aucun skill en image et surtout, aucun matos). Bref, c'est très grossièrement ce qui arrive à une cellule immature quand elle est infectée par Ad-36 !

En bref, Ad-36, un petit virus supposé totalement inoffensif est peut-être, en partie responsable du plus gros (sans mauvais jeux de mot) problème de santé du 21ème siècle !! Mais cette découverte laisse aussi place à l'espoir. En effet, qui dit virus, dit vaccin ! Ceci pourrait éventuellement permettre de diminuer le taux d'obésité dans le monde.



Mais il reste clair, mes amis, que l'obésité, c'est aussi dû en grande partie à un mode de vie quelque peu décadent. On mange beaucoup, souvent mal, et surtout on bouge peu. Sachez que le sport est essentiel, pour maintenir la ligne, mais aussi améliorer considérablement votre santé et votre espérance de vie !
Ceci était un message du ministère de votre dévouée étudiante en sciences.
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* Les anticorps sont produits par le système immunitaire lorsqu'il rencontre un élément étranger, comme les virus. Ces anticorps, parfaitement spécifiques au virus qu'ils combattent, sont facilement détectables grâce aux méthodes de laboratoire. Donc lorsque l'on découvre un anticorps particulier dans un organisme, on peut en déduire qu'il est infecté, ou a été infecté par l'élément correspondant à cet anticorps.
**On peut noter que dans certains cas, le sérum ne présente pas d'anticorps (ils ne sont en tout cas, pas détectés) même si l'individu est contaminé : donc attention, la prévalence peut-être sous estimée !


Pour ceux qui sont restés sur leur faim, je vous invite vraiment à lire les articles que j'ai mis en source ! C'est très clair, mais ça s'adresse à un public amis avec l'anglais et surtout ayant un minimum de bases en biologie et physiologie.

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Sources :
  • Dhurandhar N, Atkinson R, and Ahmed A. Obesity of infectious origin – a review. Growth Genet Horm 20: 33-39, 2004.
  • Greenway F. Virus-induced obesity. Am J Physiol Regul Comp Physiol 290: R188-R189, 2006.
  • [1]Atkinson R. Viruses as an Etiology of Obesity – a review. Mayo Clin Proc. October, 2007 82(10):1192-1198; doi:10.4065/82.10.1192
  • Van Ginneken V, Sitnyakwsky L, Jeffery J. Infectobesity : viral infection (especially with human adenovirus-36: ad-36) may be cause of obesity. Med Hypotheses, 2009 doi:10.1016/j.mehy.2008.11.034.
  • «Fat Factors » by Robin MARANTZ HENIG in The New York Times (August 13, 2006)
  • L'OCDE en chiffres 2005. Un supplément à L'Observateur de l'OCDE
  • http://www.nature.com/ijo/journal/v32/n3/pdf/0803748a.pdf


dimanche 14 février 2010

Nouvelle adresse mail

Salut les jeunes,

Changement d'adresse pour ceux qui veulent me contacter ( et qui veulent une réponse ) :

Nanimoland|at|yahoo.fr

L'autre adresse étant une vieille adresse perso que je ne regarde qu'une fois l'an, il m'arrive de louper des mails qui sont toujours super sympathiques. Donc si vous aussi, vous avez des questions, sur le blog, son contenu, son contenant, ou des questions sur la bio en général ou les filières de sciences, je suis à votre disposition.
Je suis aussi alerte pour tous ceux, et ça arrive, qui me posent des petits défis, avec des questions farfelues ou non.
A vos mails !

Promis je répondrais cette fois.

samedi 13 février 2010

L'infinité du gogol

Alors que je regardais un reportage de mathématique afin de noyer mon amertume d'avoir perdu mes billets pour une soirée, j'ai découvert quelque chose de fort intéressant et qui a eu la chance inespérée de redessiner un sourire sur mon visage.
Saviez vous que le gogol n'est pas qu'un imbécile heureux? Mais désigne aussi un nombre, et pas des moindres :

1 gogol = 10100

Autrement dit : 10 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000

Un 1 et 100 zéros, ça n'est pas seulement un calvaire de mise en page, c'est aussi le nombre utilisé par son créateur Edward Kasner (aidé de son neveu de 9 ans pour la terminologie) pour enseigner la différence entre l'infini et les grands nombres. Car certes, le gogol est immense, mais il reste facile à formaliser et on peut le dépasser aisément.
D'ailleurs, si on veut aller encore plus loin, on peut écrire :
10gogol qui est appelé gogolplex, et lui, il est tellement grand qu'il n'y a même pas assez de place dans tout l'Univers observable pour l'écrire, même si nous pouvions écrire chaque zéro sur un atome.

Il faut cependant savoir que ce nombre n'a rien de particulier en lui-même. C'est juste une curiosité parmi tant d'autres, mais moi ça me fait rire. Cependant on peut noter que son appellation en anglais : le googol, est à l'origine du célèbre Google. En effet, l'entreprise l'a pris pour symboliser la tâche au combien difficile de diffuser et classer la quasi-infinité d'informations disponibles sur la toile !