jeudi 27 mai 2010

Pourquoi les femmes veulent toutes Brad Pitt et George Clooney?

1 - Parce qu'ils présentent des caractéristiques plutôt sympatiques pour assurer la descendance.

2- Parce qu'ils sortent avec d'autres femmes.

La raison numéro deux vous surprend ? Attendez un peu de voir la suite. La théorie de la sélection sexuelle, mise en avant par Darwin, stipule que les femelles choisissent leurs mâles en fonction des critères qu'ils arborent. Est-ce qu'il a de beaux poils, est-ce qu'il est dans de bonnes conditions physiques, est ce qu'il rapporte assez à manger ? Tout cela renseignant la femelle sur la qualité génétique du mâle. En bref, un mâle, s'il veut être choisi, a intérêt d'être au meilleur de sa forme.

Un paon mâle, connu par l'extravagance de son plumage, dont la qualité est très importante pour le choix des femelles

On a longtemps pensé que les femelles ne choisissaient les mâles que grâce à ces diverses caractéristiques. Or récemment, une influence de type culturel a été mise en lumière : Le copiage. Plusieurs études ont en effet montré que les femelles, même si elles n'étaient pas spécialement attirées par un mâle, pouvaient revenir sur leur décision si elles voyaient ce dernier batifoler avec d'autres femelles. En gros, l'avis des autres et la popularité du mâle comptent dans le choix du partenaire (ça vous rappelle des trucs?).

Une étude particulièrement intéressante a mis ce copiage en évidence chez...la mouche ! On suspecte rarement des attitudes "culturelles" chez les insectes et pourtant...Frédérique Mery et ses collègues se sont intéressés à la très célèbre Drosophilia melanogaster, plus connue sous le nom de mouche de raisin (bref ces petites mouches qui volètent au dessus de nos fruits dans la cuisine).

Drosophilia melanogaster

Dans une première expérience, les chercheurs ont d'abord montré que les femelles choisissaient naturellement le mâle en fonction de la condition physique dans laquelle il se trouve. Pour cela, ils ont proposé à des femelles, des mâles en plus ou moins bonne condition (en nourrissant un peu moins richement certains mâles) (Je tiens à préciser que dans les 2 premières expériences, aucun contact n'est permis entre les femelles observatrices et les mâles, l'attrait est calculé en fonction du temps passé par les femelles auprès des mâles). Le graphe qui en résulte est sans appel : les mâles pas top ne font pas l'affaire des mouches femelles.

Graphique représentant le pourcentage de temps passé par les femelles auprès des mâles en bonne condition (good condition males) et mauvaise condition (poor condition males)

L'expérience suivante consiste à mettre les mâles en bonne ou mauvaise condition en compagnie d'une femelle, et de montrer le spectacle à d'autres femelles en recherche d'un mâle. Dans un premier temps, les mâles sont laissés sans compagnes montrées aux femelles (ce qui répète l'expérience précédente). Dans un deuxième temps, ces mêmes mâles sont mis en compagnie d'une femelle, et sont de nouveau présentés aux femelles. Le résultat est étonnant : autant les mâles déjà bien n'ont pas spécialement augmenté leur attractivité, autant ceux considérés comme moches sont devenus soudain plus attirants aux yeux des femelles.

Graphique représentant le pourcentage de temps passé par les femelles devant les mâles exposés. Pretest : Les mâles sont seuls. Posttest : les mâles sont mis en compagnie d'une femelle.

Dans ce graphique on voit clairement dans le "pretest" que les femelles préfèrent les mâles en bonne condition, mais dans le "posttest", les mâles en mauvaise condition, alors accompagnés par une femelle augmentent très nettement leur attractivité, au même niveau que les mâles en bonne condition.

Cela signifie que la sélection des femelles basée sur la condition peut être court-circuitée par des messages sociaux comme le succès des mâles avec d'autres femelles.

Accouplement de drosophiles

Une dernière expérience a été réalisée pour soutenir ces résultats. Cette fois, des mâles d'égales conditions ont été choisis : un groupe a été saupoudrés de vert et un groupe de rouge (sans dommage pour l'animal) afin de pouvoir les distinguer. Ensuite, des femelles ont observé différents spectacles : certaines ont vu des mâles verts se reproduire alors que les mâles rouges ne se reproduisaient pas (ils étaient en compagnie de femelles non réceptives), et certaines ont vu des mâles rouges se reproduire et des mâles verts qui ne se reproduisaient pas.

Les femelles des deux groupes ont ensuite été en contact avec les mâles qu'elles avaient vus et les chercheurs ont comptabilisé la reproduction de ces femelles avec tel ou tel mâle. Le résultat est clair : les femelles qui avaient vu des mâles verts se reproduire se sont accouplées d'avantage avec des verts, alors que les femelles qui avaient vu des mâles rouges se reproduire se sont accouplées avec des mâles rouges.

Graphique représentant la proportion d'accouplement avec les mâles verts. Les barres noires représentent la proportion d'accouplement avec les mâles verts quand les femelles les avaient vu se reproduire avec succès. Les barres blanches représentent la même chose mais avec les mâles rouges. Ainsi quand les femelles n'ont pas vu d'accouplements précédemment (no visual cues), les femelles choisissent indistinctement les deux types de mâles, alors que quand elles ont vu des mâles verts se reproduire et des mâles rouges sans succès, elles se reproduisent plus avec les verts.

Ceci indique que même si la qualité physique des mâles est la même, l'information donnée par le succès reproducteur des mâles avec d'autre femelles influe clairement sur le choix effectué.

Cette étude, ainsi que de nombreuses autres sur des oiseaux (chez le diamant mandarin notamment) et chez les rats, montrent que les aspects sociaux et culturels ont une importance claire. Ceci peut avoir des conséquences notables dans l'évolution des traits, la sélection, voire même la spéciation !

Couple de Diamands Mandarins

En bref, vous comprenez maintenant pourquoi les femmes aiment tant les stars de cinéma : parce qu'ils sont admirés par plein d'autres femmes !!

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Frederic Mery, Susana A.M., Varela, Etienne Danchin, Simon Blanchet, Deseada Parejo, Isabelle Coolen, and Richard H. Wagner. 2009. Public Versus Personal Information for Mate Copying in an Invertebrate. Current Biology. 19, 730-734

John P. Swaddle, Mark G. Cathey, Maureen Correll and Brendan P. Hodkinson. 2005. Socially transmitted mate preferences in a monogamous bird: a non-genetic mechanism of sexual selection. Proc. R. Soc. B. 272, 1053–1058

Bennett G. Galef, JR. Terence, C.W. Lim et Geoffrey S. Gilbert. 2008. Evidence of mate choice copying in Norway rats, Rattus norvegicus. Animal Behaviour. 75, 1117-1123

7 commentaires:

  1. Allons, allons, les femmes ne sont pas des drosos ! ;)

    Blague à part, merci pour cet étonnant billet : qui aurait cru les drosos capables de comportement sociaux aussi complexes ?

    Aussi complexe que ceux des ados homo sapiens, serais-je tenté d’ajouter...

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  2. Salut Hervé !

    Oui c'est assez génial de voir ça chez ce taxon. Mais apparemment, c'est assez répandu dans le vivant de copier.

    Si tu veux mon avis, je trouve que ce genre de comportement est vraiment hyper présent chez les humains. L'intérêt porté par d'autres individus sur quelqu'un ou quelque chose éveil forcément la curiosité. Je pense que les effets de foule, les fans, tout ça, ca s'apparente à ce comportement de copiage.

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  3. Mêêêêêêê mêêêêê mêêêêê mêêêêê !!! :D

    Ce qui serait intéressant c’est de savoir si il y a aussi des anticonformistes et des excentriques chez les mouches — à supposer qu’il y en ait vraiment chez nous ;)

    Tes graphiques viennent du papier de Mery et collègues ?

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  4. Oui ca serait amusant de savoir s'il existe des rebelles. Sinon oui mes graphes viennent de la publi :)

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  5. Oué des drosos gothiques !

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  6. On pourrait considérer que l’avantage du type rare, qui a aussi je crois été mis en évidence chez les drosos, est une forme de rebelle-attitude.

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  7. Merci pour ce billet Lydie! C'est amusant de penser que grâce à ce jeu d'imitation, on peut littéralement parler de "culture" chez les mouches et de pression sélective "culturelle". Il suffit que par hasard Dame mouche préfère un type de mâle et petit à petit, il peut se créer un véritable phénomène évolutif.

    Une chose est sûre, l'imitation est monnaie courante chez pas mal d'animaux petits ou grands (j'avais écrit un billet là dessus avec des poissons: http://webinet.blogspot.com/2008/02/culture-et-nature.html)

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