jeudi 17 juin 2010

BP, Oiseaux mazoutés et éthique


Depuis le 20 Avril dernier, des milliers de barils de pétrole s'échappent chaque jour dans la baie du Mexique (aujourd'hui l'estimation est à 60 000/jour), en faisant la pire catastrophe pétrolière de l'histoire et certainement l'un des pires drames écologiques de notre ère.


Le symbole le plus communément utilisé pour alerter la population sur l'horreur de la marée noire, c'est l'oiseau mazouté. Et pourtant, il y a quelque jour j'ai lu un article dans Rue89 qui m'a pour le moins interpellée : "Oiseaux mazoutés : « Tuez-les, ne les nettoyez pas »". La phrase en question a été prononcée par Silvia Gaus biologiste au Wattenmeer National Park.

Voici un extrait de l'article :

"Alors qu'un hôpital à Fort Jackson en Louisiane a ouvert pour soigner les oiseaux les plus touchés par les nappes de pétrole, la biologiste relativise dans le Spiegel l'efficacité des actions de nettoyage des animaux mazoutés :

« Selon une étude sérieuse, le taux de survie des oiseaux mazoutés est de 1% à moyen terme. »

Démazouter un oiseau est une longue procédure, qui compte plusieurs étapes, dont l'avant-lavage. Ceci consiste à administrer, à l'aide d'une sonde, du charbon actif et de l'argile directement dans l'estomac. Un acte inefficace si l'on en croit la biologiste allemande :

« Leur faire ingérer des solutions à base de charbon, comme le Pepto Bismol, pour contrer la toxicité du pétrole, ne sert à rien.

Les oiseaux risquent de mourir de toute façon à cause de lésions au foie et aux reins. »"


Même si les chiffres annoncés par la biologiste sont plus ou moins discutés par d'autres spécialistes, le but de mon papier ici ne va pas être de discuter ces chiffres, mais plutôt de faire le point sur la situation éthique dans laquelle nous nous trouvons.

Voici comment je vois les choses. Des êtres humains, éminemment irresponsables, ont provoqué une catastrophe sans précédent ayant coûté la vie à onze personnes et à des milliers (et certainement plus) d'êtres vivants. Le calvaire que vivent ces oiseaux n'est qu'un exemple parmi tant d'autres de l'horreur engendrée par une telle catastrophe.
Et parce que le taux de survie des oiseaux traités ne serait que d'1%, certaines personnes décident qu'il serait mieux de les tuer? Mais même si le processus coûte cher, et même si c'est compliqué etc etc, n'est-ce pas le moindre que nous puissions faire?

La responsabilité est la nôtre, et uniquement la nôtre. Et nous avons l'occasion de sauver quelques vies et d'essayer de réparer même un peu les dégâts de la catastrophe. Alors éthiquement, avons nous le droit de nous dédouaner de cet effort?



Je n'ai pas bloggé plus tôt sur le drame de BP car il s'agit typiquement d'un drame qui me sort de mes gonds. L'attitude de l'entreprise, du gouvernement américain et des actionnaires représentent tout ce qui me révolte le plus sur cette Terre. Toutes les décisions prises jusqu'ici ont été à l'encontre de tout bon sens scientifique. L'usage à outrance de dispersant hyper toxique, l'idée de brûler le pétrole en surface, ne pas fournir des moyens suffisants pour protéger les côtes, etc etc. Même si moi même je me destine à faire de la restauration des écosystèmes, voir tout ça me décourage tous les jours un peu plus dans ma tâche.

J'espère sincèrement, en bisounours écologiste que je suis (c'est comme ça qu'un de nos profs de master nous appelle) , que les gens seront plus raisonnables et plus sages à l'avenir. J'espère un jour qu'on aura pas besoin d'une catastrophe pour commencer à légiférer, et j'espère qu'un jour les gouvernements et les individus penseront au long terme avant le court terme.


Voilà, c'était mon petit coup de gueule du jour !

A bientot pour un sujet de sciences pur et dur !

15 commentaires:

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  4. Salut Sirtin, merci de poster ce lien, j'allais le faire. J'ai bien sur lu le papier de Valérie sur exactement ce sujet. Je suis en désaccord sur le fond, car je reste sur la position que même si peu survivent, ceux qui survivent valent bien la chandelle. Par ailleurs, il me semble difficile de mettre des chiffres sur cette affaire. Les 1% annoncés ne sont pas vraiment corroborés par les acteurs sur place. Donc je préfère attendre les études en cours. Je sais pas exactement comment sont fait ces calculs. Le degré d'engluement me semble un facteur important pour la survie. Si les oiseaux sont à 100% englué les chances de survies sont proches de zéro, mais si l'engluement est minime, alors là je pense que les chances sont bien plus grandes. Donc bon à voir !

    Sinon merci pour le compliment sur le look, c'est blogspot qui propose de nouveau design ! Je suis en mode exploratrice pour l'instant ;)

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  5. Arfeuh Sirtin, j'ai eu des problèmes avec les commentaires et j'ai supprimé le tien par inadvertence...Apparemment y a pas de recovery possible des commentaires effacés sur blogspot...Donc je remets le lien que tu avais posté :

    Une collègue du C@fé des Sciences a publié un billet sur le même sujet que le présent, mais avec l'avis plutot inverse :

    http://www2.lactualite.com/valerie-borde/2010-06-17/sauver-les-pelicans-de-la-maree-noire-ou-les-tuer/

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  6. JE SUIS COMPLETEMENT D'ACCORD AVEC TOI !!! Voici un commentaire que j'avais laissé sur slate.fr sur un article relatif à cette question. Etant assez long, je vais me permettre de le recopier ici. C'est vraiment comme si tu avais lu dans mes pensées car j'ai eu exactement les mêmes réflexions que toi !

    "C'EST UN SCANDALE !!! (Un peu d'emphase pour marquer le propos)
    Soumis par DoctorWho .

    Je ne suis pas du genre à être dans le pays de Candy mais là, quand même ! C'est à tomber par terre !!

    Mais qu'est ce qu'il ne faut pas lire !!! Et la WWF cautionne ça !!

    Comme vous aimez les pourcentages, on va parler pourcentages !!

    Nous sommes d'accord sur le fait que laisser les oiseaux aux prises avec le pétrole (NOTRE pétrole) signifie les condamner à une mort certaine due à sa toxicité pour eux. Donc : niveau d'espérance 0.2% on va dire (supposition on va dire vraisemblable).

    Maintenant, imaginons (je dis bien imaginons) que l'on prennent nos responsabilités et réparons les dégâts commis à l'environnement, que ce soit sur la faune ou la flore, cela va permettre de sauver (selon cette article et cette étude, mais comme vous le savez tous, on dit ce que l'on veut aux chiffres) 1% des oiseaux mazoutés. Donc si on fait la différence, ça fait 0.8% d'oiseaux à sauver. C'est peu, vous allez me dire, n'est ce pas ? ET ALORS ???? 0.8% signifie des milliers et des milliers d'oiseaux quand on voit l'étendue des dégâts qu'a fait la marée noire. C'est pas beaucoup et alors ? Pourquoi les sauver ? Ce ne sont que des animaux, ça coûte cher, ils sont inutiles, c'est une perte de temps ? Parce que vous croyez que c'est suffisant pour les laisser mourir ?!! Nous sommes responsables d'une catastrophe et au nom d'une raison de "non productivité de la tentative de sauvetage", il vaut mieux procéder à une "enthanasie de masse" !!!! Mais je rêve, c'est incroyable !!! Avons nous au moins essayé de trouver une alternative aux solutions à base de charbon pour sauver l'animal puisque ce composant a l'air d'être nocif pour eux ? Et ne me parlez pas de pic de stress fatal, s'il vous plait !!! Cela arrange bien vos affaires !! Surtout que moins il y a de personnes à s'occuper des animaux, plus il y en a pour nettoyer les plages qui vont être touchées par la marée noire. Ah, le tourisme, c'est plus important que tout !!

    "Pour un porte-parole de l'association écologiste, les oiseaux mazoutés sont des oiseaux condamnés, qui ne peuvent plus être aidés." Parce que l'on ne peut pas les guérir ? Dans ce cas là, pourquoi on ne tue pas les cancéreux sur lesquels la chimiothérapie (et autres thérapies curatives) ne marchent pas ? Ils sont condamnés aussi car ne peuvent plus être aidés. Et tous les malades de maladies incurables alors !!! (Pardon à tous ceux qui sont concernés par ces maladies mais lire des choses comme ça m'énerve à un point !!)

    Suite au prochain commentaire ...

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  7. Suite et fin ...

    "Mais d'après la scientifique allemande, le sentimentalisme ne doit pas l'emporter" --> le sentimentalisme !!! Alors, réparer un des dégâts provoqués par une des pires catastrophes qu'ont connu les côtes américaines (et je n'exagère pas) serait faire preuve de sentimentalisme !!!!! C'est ce que j'appelle moi la prise de responsabilité, l'humanité, ... !!!

    Pour ne pas faire mon écologiste acharné (que je ne suis pas, c'est ça le comble), je vais prendre aussi en compte leurs arguments. Je comprends qu'ils veuillent réduire les souffrances de ces animaux. Cependant, procéder à une tuerie de masse (pardon : "euthanasie", excusez moi j'avais oublié le terme politiquement correct -et je ne suis pas contre l'euthanasie je tiens à souligner, mais dans certains cas seulement-) me parait disproportionné par rapport à la situation. On peut les sauver, on a toujours procédé comme ça à chaque marée noire (et mon dieu, on en a connu) alors pourquoi, tout d'un coup, changer son fusil d'épaule ? Ce n'est pas efficace je suis d'accord car on est loin de tous les sauver. Mais tous les tuer me parait un peu facile comme solution ... Ce que je vois, c'est surtout que les traitements ne sont pas adaptés : si le charbon est si nocif pour eux (l'article n'est pas très clair), il faut trouver une alternative.

    "Les volatiles risquent de mourir de toute façon, de défaillances rénales ou parce que leur foie est endommagé [...]" -->

    Oui, c'est vrai le pétrole PEUT leur être fatale, même après nettoyage. Mais ce "peut" est une possibilité, pas une obligation !! Que l'on euthanasie les plus atteints, d'accord, si leur guérison est impossible, qu'ils souffrent, et en désespoir de cause, mais pas tous les tuer car ils POURRAIENT tous mourir ! Ce n'est pas parce que l'on risque quelque chose que l'on va obligatoirement mourir de ça. Tous les oiseaux ne sont pas à la même enseigne. Certains étaient dans la zone au moment où a eu lieu la catastrophe, d'autre non et ont été moins affectés.

    Tout ça pour dire que la solution finale appliquée aux oiseaux n'est peut-être pas à approuver comme ça ... Après je dis ça, je ne dis rien.

    Je crains qu'on crée un dangereux précédent qui servent de modèle aux traitements des futurs marées noires ...

    PS : Excusez moi pour les fautes d'ortografe (je fais exprès d'accord ! : orthographe) mais je dois avouer que je suis assez remonté !

    Signé : un homme pour qui la vie animale ne se résume pas à ce qu'il y a dans son assiette."

    Et voila ! Comme tu vois, beaucoup de similitudes avec ton opinion ! Et je n'avais pas vu ton blog quand j'avais écrit ce commentaire !

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  8. Doctor Who, en référence à la génialissime série je suppose?

    Merci pour ton opinion. En fait le sujet dépend beaucoup de la sensibilité de chacun. Et l'aspect sensible a souvent peu sa place en économie et pose donc problème. L'éthique de la vie n'est pas un sujet évident. Ceci dit, les déclarations de la scientifique m'ont pas mal perturbée...Comme tu le dis, 1% sur des milliers et des milliers d'oiseaux, ca fait quand même beaucoup. Et si on considère l'individu comme base de l'interêt ben alors on ne peut pas ne rien faire !

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  9. Merci d'avoir reposté le lien.
    Ce qui m'intéressait était d'avoir deux points de vue oppposé. Perso, je ne sais pas trop quoi en penser même si je serais plus près de la solution de les sauver.

    Assis sur mon fauteuil, devant l'écran, je me sens parfois loin très loin des événements dramatiques ou heureux...

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  10. Je comprends, de mon côté j'ai toujours été plutot pour l'action que pour l'inaction. En plus, les argument du genre "de toutes façons ce n'est pas une espèce en voix de disparition.." sous entendu, ce n'est pas grave si des milliers d'individus clamsent, moi ça me laisse un peu dubitative quant à la façon dont les gens voient la vie animale.

    La plupart des gens s'en foutent pas mal de la vie ou la mort d'un individu d'une autre espèce (sauf si c'est un panda ou un ours blanc), mais je pense qu'il y a un effort à faire sur l'éducation et la revalorisation de la vie animale dans son ensemble.

    Faire preuve d'empathie pour les animaux et limiter toute cruauté est pour moi une preuve d'avancée sociale.

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  11. Pas seulement les animaux mais revoir notre relation avec notre environnement où nous évoluons.
    :)

    Car on se focaliser sur les mignons bébêtes, on fait du délit de gueule quelque part et on néglige les autres êtres vivants comme les plantes et les microorganismes.
    ;)

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  12. Je pourrais pas être plus d'accord !

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  13. La question posée ici est assez délicate. Je vais me permettre de faire part de quelques pistes de réflexions qui me viennent à l'esprit.

    Premièrement je suis plus que tout à fait d'accord avec Sirtin.

    Ensuite il y a le probleme de l'"euthanasie" des animaux. Faisons nous ça pour nous ou pour eux? Qu'est-ce qui nous permet de décider que l'animal "veut" mourir. Est t-il capable de ce poser cette question? Quand bien même il le pourrait nous ne sommes pas en mesure de savoir s'il y a répondu. Il est probable que l'on fasse plutôt ça parce-que la vue d'un animal qui souffre nous est désagréable (ça m'arrive malheureusement avec des phasmes). Donc je ne vois pas de raison valable de tuer ces oiseaux.

    Ensuite, faut-il les soigner? Là j'ai du mal à me prononcer. Les laisser dans leur merde serait en effet un comportement d'ignorance critiquable. Mais combien d'animaux mettons nous dans la merde? Nous ne nous préoccupons d'en sauver quelques un que lorsqu'il y a une catastrophe, et encore c'est les oiseaux... C'est mieux que rien pourra t-on me répondre. Oui mais inutile peut on encore répondre (ce que disent apparemment ceux qui veulent qu'on achève ces oiseaux). Dans la continuité de ce raisonnement, ne serait t-il pas plus utile de s'impliquer dans des actions qui ont plus d'effet? Mais plus d'effet par rapport à quoi? Peut-on dire "telle action a plus d'effet qu'une autre?". N'est-ce pas toutes ces actions combinées qui ont un réel effet, pas seulement sur l'environnement mais aussi sur les mentalités des gens qui regardent les volontaires qui participent à ces actions?

    En fait c'est probablement plus un problème de symbolique. On nous rappelle sans cesse que toute la région est dévastée et on nous parle surtout des oiseaux. Certes ça sensibilise c'est bien. Mais une fois les oiseaux épargnés, n'y a t-il pas un risque qu'on abandonne ces écosystèmes dévastés alors que seulement une partie du travail est fait? La symbolique n'est qu'un moyen, pas une fin, elle a ses limites. je ne sais pas quelle quantité d'énergie est investie dans le sauvetage des oiseaux, mais je pense que la problématique est plutôt la répartition de l'énergie et des tâches en comparaison de ce qui est fait aujourd'hui par rapport à cette catastrophe.

    Comme je l'ai dit au début je ne fait pas part d'une réponse (je n'en ai pas), mais plutôt des pistes de réflexions. Je pense que ces pistes de réflexions sont généralisables à d'autres problématiques environnementales (remplacez "oiseaux" par "ours blanc" ^^)

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  14. Tu as raison, les oiseaux sont un symbole important. Car la vue d'oiseaux pris dans du pétrole est naturellement émouvante et appelle l'individu à réagir. Et c'est bien normal, et c'est très bien de réagir.

    Après, ce qui est plus triste, c'est que tu présentes une écrevisse engluée, j'pense que tout le monde s'en balance et là c'est dommage.
    L'autre fois ils ont montré des Bernard l'hermite qui fuiyaient sur les hautes herbes pour éviter l'eau souillée. Ha j'avais presque la larme à l'oeil. Mais j'pense qu'il n'y a que moi qui réagit comme ça pour des bernard.

    Donc bon, je pense que c'est utile de sauver les animaux, je pense que c'est toujours utile d'ailleurs. Car l'ecosystème est complexe et les oiseaux sont importants dans la chaine alimentaire. Mais c'est surtout éthique pour moi. On peut pas laisser des bestioles mourir par notre faute parce qu'on a la flemme, que ça coute cher ou autre. J'pense que c'est la moindre des choses. Après je pense que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faudrait que les autres animaux profitent d'un tel traitement. Mais je pense que sur place, c'est ce qui se passe.

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  15. Donc, je pense qu'on est d'accord, de tout ça en ressort une "conclusion" c'est que la question de sauver les oiseaux mazoutés n'est pas une question scientifique ou écologique mais une question morale. L'argument du type "aider ces oiseaux n'a pas d'utilité écologique puisqu'ils sont trop peu à survivre" est donc hors de propos ici puisque la question est d'ordre éthique et la science ne répond pas à ces questions. Quand bien même ça n'aurait aucune utilité il faudrait tout de même le faire, mais pas en tant que scientifique mais en tant que citoyen. La question serait plus complexe si sauver les oiseaux était dangereux pour les écosystèmes, mais au point où on en est je vois mal comment ça pourrait être le cas...

    En tout cas j'espère sincèrement que comme tu dis, sur place il n'y a pas que les oiseaux qui sont aidés, mais je n'ai jamais entendu parler de ça. En même temps je ne suis pas beaucoup l'actualité...

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